Commentaire composĂ© en deux parties. DerniĂšre mise Ă jour 11/03/2022 âą ProposĂ© par meiistertzheimaana Ă©lĂšve Texte Ă©tudiĂ© Giton a le teint frais, le visage plein et les joues pendantes, lâoeil fixe et assurĂ©, les Ă©paules larges, lâestomac haut, la dĂ©marche ferme et dĂ©libĂ©rĂ©e. Il parle avec confiance ; il fait rĂ©pĂ©ter celui qui lâentretient, et il ne goĂ»te que mĂ©diocrement tout ce quâil lui dit. Il dĂ©ploie un ample mouchoir et se mouche avec grand bruit ; il crache fort loin, et il Ă©ternue fort haut. Il dort le jour, il dort la nuit, et profondĂ©ment ; il ronfle en compagnie. Il occupe Ă table et Ă la promenade plus de place quâun autre. Il tient le milieu en se promenant avec ses Ă©gaux ; il sâarrĂȘte, et lâon sâarrĂȘte ; il continue de marcher, et lâon marche tous se rĂšglent sur lui. Il interrompt, il redresse ceux qui ont la parole on ne lâinterrompt pas, on lâĂ©coute aussi longtemps quâil veut parler ; on est de son avis, on croit les nouvelles quâil dĂ©bite. Sâil sâassied, vous le voyez sâenfoncer dans un fauteuil, croiser les jambes lâune sur lâautre, froncer le sourcil, abaisser son chapeau sur ses yeux pour ne voir personne, ou le relever ensuite, et dĂ©couvrir son front par fiertĂ© et par audace. Il est enjouĂ©, grand rieur, impatient, prĂ©somptueux, colĂšre, libertin, politique, mystĂ©rieux sur les affaires du temps ; il se croit du talent et de lâesprit. Il est riche. La BruyĂšre, Les CaractĂšres Avec Les CaractĂšres 1688-1696, Jean de La BruyĂšre tend Ă la haute sociĂ©tĂ© un miroir satirique dĂ©peignant ses vices amour-propre, hypocrisie, faussetĂ©, ambition personnelle. Il y aspire Ă corriger les mĆurs par ses maximes et ses portraits plaisants et mondains. Les CaractĂšres sâinscrit en cela dans le mouvement du classicisme qui vise Ă plaire et instruire. Giton » VI, 83 est un des portraits de la sixiĂšme partie, Des Biens de Fortune » dans laquelle le satiriste dĂ©nonce le pouvoir de lâargent. Giton est Ă ce titre lâallĂ©gorie des fortunĂ©s se donnant tous les droits sur les autres. ProblĂ©matique Comment le portrait satirique de Giton dĂ©nonce-t-il la supĂ©rioritĂ© de lâargent sur la vertu dans la sociĂ©tĂ© ? I. Le portrait d'un homme riche a La description physique de Giton Tout d'abord, le moraliste dĂ©crit physiquement le personnage de ton, homme riche. Le portrait se concentre essentiellement sur le visage mais nous avons aussi quelques dĂ©tails sur l'ensemble du corps. En effet, on peut relever au dĂ©but de l'extrait la forte prĂ©sence d'adjectifs qualificatifs avec l'Ă©numĂ©ration des groupes nominaux suivants le teint tais, le visage plein et les joues pendantes » Nous avons aussi quelques dĂ©tails sur l'ensemble du corps avec l'accumulation des lignes 1 et 2 l'Ćil fixe et assurĂ©, les Ă©paules larges, l'estomac haut ». Ainsi, le visage joutilu est un indice incontestable de la richesse, de la position sociale confortable de Giton. Son regard et sa posture montrent sa fiertĂ©, son contentement; la description physique chez La BruyĂšre rĂ©vĂšle en mĂȘme temps un caractĂšre. b L'attitude oisive d'un riche Ensuite, les occupations de l'homme riche sont Ă©galement dĂ©crites. On constate notamment l'absence d'activitĂ© laborieuse. Par exemple, la rĂ©pĂ©tition du groupe verbal il dort » aux lignes 4 et 5 dans le passage Il dort le jour, il dort la nuit et profondĂ©ment, il ronfle en compagnie» insiste sur le sommeil trĂšs prĂ©sent, mĂȘme pendant la journĂ©e. L'adverbe profondĂ©ment » et le verbe ronfle » amplifient la tonalitĂ© ironique de la phrase pour souligner le contentement, la quiĂ©tude de Giton. L'expression finale de cette description avec le prĂ©sent de vĂ©ritĂ© gĂ©nĂ©rale Il est riche » souligne la suffisance du statut et donc l'absence de nĂ©cessitĂ© de travailler. Par consĂ©quent, Giton correspond au portrait typique du bourgeois riche et oisif. II. Le caractĂšre de Giton a Giton, un homme vaniteux En premier lieu, on peut s'apercevoir que Giton est un homme particuliĂšrement prĂ©tentieux, vaniteux. Dans les Ă©changes et conversations, il s'illustre par la confiance», il ne goĂ»te que mĂ©diocrement tout ce qu' [on] lui dit», L'adverbe mĂ©diocrement » montre qu'il porte peu d'attention pour la parole d'autrui, ce qui est un signe absolu de prĂ©tention. Sa posture est en outre prĂ©somptueuse avec son regard assurĂ© » et son front qu'il dĂ©couvre par fiertĂ© » ou audace », et 12. A la fin de l'extrait, l'adjectif prĂ©somptueux » est d'ailleurs prĂ©sent dans l'accumulation de la ligne 12 et l'emploi du verbe croire » avec le pronom rĂ©flĂ©chi dans l'expression il se croit des talents et de l'esprit» permet de comprendre ce dĂ©faut de la vanitĂ©. La vanitĂ© est prĂ©cisĂ©ment la prĂ©tention de possĂ©der des qualitĂ©s qui sont, en rĂ©alitĂ©, inexistantes. b Giton, le contraire de l' honnĂȘte homme » En second lieu, le portrait de Giton permet au moraliste La BruyĂšre de dĂ©crire le contraire de l'honnĂȘte homme. La prĂ©tention, la vanitĂ©, dĂ©jĂ Ă©voquĂ©es, sont les caractĂ©ristiques qui s'opposent le plus aux aptitudes de l'honnĂȘte homme. De mĂȘme, la posture de Giton n'est pas de bon goĂ»t, les hyperboles sont nombreuses pour qualifier son manque de tenue il se mouche avec grand bruit; il crache fort loin, et il Ă©ternue fort haut. », 1. 4. On peut constater qu'il crache, Ă©ternue et rit avec un grand manque de discrĂ©tion Il est enjouĂ©, grand rieur». Les adjectifs et les adverbes citĂ©s prĂ©cĂ©demment indiquent qu'il est excessivement dĂ©monstratif, qu'il a besoin de se faire remarquer. Aussi, l'accumulation de ces adjectifs impatient, prĂ©somptueux, colĂšre» prouvent sa difficultĂ© pour tempĂ©rer ses Ă©motions. La mesure, la tempĂ©rance sont pourtant des vertus de l' honnĂȘte homme» ; Giton est bel et bien Ă l'opposĂ© de cet idĂ©al classique. Conclusion Nous avons montrĂ© comment le portrait satirique de Giton, d'un homme riche et prĂ©tentieux, dĂ©nonce la supĂ©rioritĂ© de lâargent sur la vertu dans la sociĂ©tĂ©. Giton a en effet de nombreux vices, aux antipodes de l'honnĂȘte homme, et n'a pas besoin de travailler pour progresser socialement. Le satiriste dĂ©nonce la puissance croissante de lâargent, qui bouscule les principes dâune sociĂ©tĂ© dâordre censĂ©e ĂȘtre rĂ©gie par le mĂ©rite aristocratique. Ce portrait est par ailleurs suivi du PhĂ©don », lâhomme pauvre, ce qui permet de mettre en avant le contraste dans une sociĂ©tĂ© oĂč lâargent dicte le destin des individus.
DISSERTATIONLA BRUYEREMargaux Auboyneau 1G2 Dissertation La BruyĂšre prĂ©sente ses CaractĂšres comme Ă©tant la continuitĂ© de lâoeuvre de ThĂ©ophraste, CaractĂšres, probablement Ă©crits en 319 avant J-C. Lâoeuvre de La BruyĂšre compte au total seize livres. Les livres V Ă X sont arrangĂ©s selon un ordre croissant qui donnent Ă voir des relations humaines en gĂ©nĂ©ral, ĂnoncĂ©Sujet Vous commenterez ce texte issu des CaractĂšres de La BruyĂšre. Pamphile ne s'entretient pas avec les gens qu'il rencontre dans les salles ou dans les cours si l'on en croit sa gravitĂ© et l'Ă©lĂ©vation de sa voix, il les reçoit, leur donne audience, les congĂ©die ; il a des termes tout Ă la fois civils et hautains, une honnĂȘtetĂ© impĂ©rieuse et qu'il emploie sans discernement ; il a une fausse grandeur qui l'abaisse, et qui embarrasse fort ceux qui sont ses amis, et qui ne veulent pas le Pamphile est plein de lui-mĂȘme, ne se perd pas de vue, ne sort point de l'idĂ©e de sa grandeur, de ses alliances, de sa charge, de sa dignitĂ© ; il ramasse, pour ainsi dire, toutes ses piĂšces, s'en enveloppe pour se faire valoir ; il dit Mon ordre, mon cordon bleu , il l'Ă©tale ou il le cache par ostentation un Pamphile en un mot veut ĂȘtre grand, il croit l'ĂȘtre ; il ne l'est pas, il est d'aprĂšs un grand. Si quelquefois il sourit Ă un homme du dernier ordre, Ă un homme d'esprit, il choisit son temps si juste, qu'il n'est jamais pris sur le fait ; aussi la rougeur lui monterait-elle au visage s'il Ă©tait malheureusement surpris dans la moindre familiaritĂ© avec quelqu'un qui n'est ni opulent, ni puissant, ni ami d'un ministre, ni son alliĂ©, ni son domestique ; il est sĂ©vĂšre et inexorable Ă qui n'a point encore fait sa fortune il vous aperçoit un jour dans une galerie, et il vous fuit ; et le lendemain, s'il vous trouve en un endroit moins public, ou s'il est public en la compagnie d'un grand, il prend courage, il vient Ă vous, et il vous dit Vous ne faisiez pas hier semblant de nous voir. TantĂŽt il vous quitte brusquement pour joindre un seigneur ou un premier commis ; et tantĂŽt s'il les trouve avec vous en conversation, il vous coupe et vous les enlĂšve vous l'abordez une autre fois, et il ne s'arrĂȘte pas ; il se fait suivre, vous parle si haut que c'est une scĂšne pour ceux qui passent aussi les Pamphiles sont-ils toujours comme sur un théùtre ; gens nourris dans le faux, et qui ne haĂŻssent rien tant que d'ĂȘtre naturels ; vrais personnages de comĂ©die, des Floridors, des ne tarit point sur les Pamphiles ; ils sont bas et timides devant les princes et les ministres, pleins de hauteur et de confiance avec ceux qui n'ont que de la vertu ; muets et embarrassĂ©s avec les savants ; vifs, hardis et dĂ©cisifs avec ceux qui ne savent rien ; ils parlent de guerre Ă un homme de robe, et de politique Ă un financier ; ils savent l'histoire avec les femmes ; ils sont poĂštes avec un docteur, et gĂ©omĂštres avec un poĂšte de maximes, ils ne s'en chargent pas ; de principes, encore moins, ils vivent Ă l'aventure, poussĂ©s et entraĂźnĂ©s par le vent de la faveur et par l'attrait des richesses ; ils n'ont point d'opinion qui soit Ă eux, qui leur soit propre, ils en empruntent Ă mesure qu'ils en ont besoin ; et celui Ă qui ils ont recours, n'est guĂšre un homme sage, ou habile, ou vertueux, c'est un homme Ă la mode. »La BruyĂšre, Les CaractĂšres, livre ix, Des grands », remarque 50 Unecollection dĂ©diĂ©e aux Ćuvres intĂ©grales du BAC de Français 1re et Ă leurs parcours associĂ©s. âą Le Parcours associĂ© : La comĂ©die sociale Voie gĂ©nĂ©rale âą RĂ©sumĂ© La Cour est un Aide pour rapport de stage La BruyĂšre, "Les CaractĂšres" le travail littĂ©raire du moraliste Dans une lettre officielle, Ă lâattention dâun client, dâune entreprise ou dâune institution, lâorthographe et la syntaxe sont trĂšs importants. Câest une question de crĂ©dibilitĂ©. Si vous nâĂȘtes pas sĂ»r de vous, nâhĂ©sitez pas Ă vous faire relire par quelquâun. Dissertation la bruyĂšre Les maximes correspondent Ă une affirmation Ă valeur universelle, au prĂ©sent de vĂ©ritĂ© gĂ©nĂ©rale Un caractĂšre bien fade est celui de nâen avoir aucun» V, remarque 1. Câest une Ă©criture qui vise la clartĂ© mais aussi lâabstraction comme le montre lâimportant vocabulaire philosophique. Exemple lettre postale Promos ebooks du mois faites le plein de lectures numĂ©riques Ă petit prix. Les CaractĂšres - Jean de La BruyĂšre âąLes réécritures du XVII Ă nos jours MoliĂšre Dom Juan scĂšnes 5 et 6. Don Juan face Ă la mort Extrait De la cour » des CaractĂšres Par un plan analytique, c'est celui que nous proposons Articles similaires Comment rĂ©ussir sa dissertation sur le roman ? Câest la question Ă laquelle nous allons tenter de rĂ©pondre ! Lors des Ă©preuves Ă©crites du baccalaurĂ©at de français, la dissertation est souvent une grande source dâangoisse et dâapprĂ©hension chez les Ă©lĂšves de premiĂšre. Et pourtant, une bonne dissertation nâest quâune affaire de mĂ©thode et dâentraĂźnement. Tu trouveras ci-dessous trois exemples de plans de dissertation sur le roman afin de faire de toi un vĂ©ritable professionnel de cet exercice ! PrĂ©sentation lettre postale En Grande-Bretagne, le code postal se prĂ©sente en 2 groupes de 3 chiffres et lettres majuscules. Dissertation sur la PoĂ©sie et lâExpression des Sentiments Personnels Chapitres Français en PremiĂšre Portraitde Pamphile, conclusion. Nous avons vu que Pamphile, aristocrate orgueilleux et hypocrite, permet Ă La BruyĂšre de dĂ©noncer une aristocratie qui nâa de grand que sa richesse. Pamphile est lâ allĂ©gorie de lâhypocrite. Figure ambivalente et contradictoire, il est un vĂ©ritable comĂ©dien. La BruyĂšre a cependant percĂ© le masque 1 Sujet. RĂ©daction Remarques importantes 1. PrĂ©senter sur la copie, en premier lieu, le rĂ©sumĂ© de texte, et en second lieu, la dissertation. 2. Il est tenu compte, dans la notation, de la prĂ©sentation, de la correction de la forme syntaxe, orthographe, de la nettetĂ© de lâexpression et de la clartĂ© de la composition. 3. LâĂ©preuve de RĂ©daction comporte obligatoirement formant deux parties indissociable un rĂ©sumĂ© et une dissertation. Ils comptent chacun pour moitiĂ© dans la notation. I RĂ©sumĂ© de texte RĂ©sumer en 200 mots le texte suivant. Un Ă©cart de 10% en plus ou en moins sera acceptĂ©. Indiquer par une barre bien nette chaque cinquantaine de mots, puis, Ă la fin du rĂ©sumĂ©, le total exact. Petits hommes, hauts de six pieds, tout au plus de sept, qui vous enfermez aux foires comme gĂ©ants et comme des piĂšces rares dont il faut acheter la vue, dĂšs que vous allez jusques Ă huit pieds ; qui vous donnez sans pudeur de la hautesse et de lâĂ©minence, qui est tout ce que lâon pourrait accorder Ă ces montagnes voisines du ciel et qui voient les nuages se former au-dessous dâelles ; espĂšce dâanimaux glorieux et superbes, qui mĂ©prisez toute autre espĂšce, qui ne faites pas mĂȘme comparaison avec lâĂ©lĂ©phant et la baleine ; approchez, hommes, rĂ©pondez un peu Ă DĂ©mocrite. Ne dites-vous pas en commun proverbe des loups ravissants, des lions furieux, malicieux comme un singe ? Et vous autres, qui ĂȘtes-vous ? Jâentends corner sans cesse Ă mes oreilles Lâhomme est un animal raisonnable. Qui vous a passĂ© cette dĂ©finition ? sont-ce les loups, les singes et les lions, ou si vous vous lâĂȘtes accordĂ©e Ă vous-mĂȘmes ? Câest dĂ©jĂ une chose plaisante que vous donniez aux animaux, vos confrĂšres, ce quâil y a de pire, pour prendre pour vous ce quâil y a de meilleur. Laissez-les un peu se dĂ©finir eux-mĂȘmes, et vous verrez comme ils sâoublieront et comme vous serez traitĂ©s. Je ne parle point, ĂŽ hommes, de vos lĂ©gĂšretĂ©s, de vos folies et de vos caprices, qui vous mettent au-dessous de la taupe et de la tortue, qui vont sagement leur petit train, et qui suivent sans varier lâinstinct de leur nature ; mais Ă©coutez-moi un moment. Vous dites dâun tiercelet de faucon qui est fort lĂ©ger, et qui fait une belle descente sur la perdrix VoilĂ un bon oiseau » ; et dâun lĂ©vrier qui prend un liĂšvre corps Ă corps Câest un bon lĂ©vrier. » Je consens aussi que vous disiez dâun homme qui court le sanglier, qui le met aux abois, qui lâatteint et qui le perce VoilĂ un brave homme. » Mais si vous voyez deux chiens qui sâaboient, qui sâaffrontent, qui se mordent et se dĂ©chirent, vous dites VoilĂ de sots animaux » ; et vous prenez un bĂąton pour les sĂ©parer. Que si lâon vous disait que tous les chats dâun grand pays se sont assemblĂ©s par milliers dans une plaine, et quâaprĂšs avoir miaulĂ© tout leur soĂ»l, ils se sont jetĂ©s avec fureur les uns sur les autres, et ont jouĂ© ensemble de la dent et de la griffe ; que de cette mĂȘlĂ©e il est demeurĂ© de part et dâautre neuf Ă dix mille chats sur la place, qui ont infectĂ© lâair Ă dix lieues de lĂ par leur puanteur, ne diriez-vous pas VoilĂ le plus abominable sabbat dont on ait jamais ouĂŻ parler ? » Et si les loups en faisaient de mĂȘme Quels hurlements ! quelle boucherie ! » Et si les uns ou les autres vous disaient quâils aiment la gloire, concluriez-vous de ce discours quâils la mettent Ă se trouver Ă ce beau rendez-vous, Ă dĂ©truire ainsi et Ă anĂ©antir leur propre espĂšce ? ou aprĂšs lâavoir conclu, ne ririez-vous pas de tout votre cĆur de lâingĂ©nuitĂ© de ces pauvres bĂȘtes ? Vous avez dĂ©jĂ , en animaux raisonnables, et pour vous, distinguer de ceux qui ne se servent que de leurs dents et de leurs ongles, imaginĂ© les lances, les piques, les dards, les sabres et les cimeterres, et Ă mon grĂ© fort judicieusement ; car avec vos seules mains que vous pouviez-vous vous faire les uns aux autres, que vous arracher les cheveux, vous Ă©gratigner au visage, ou tout au plus vous arracher les yeux de la tĂȘte ? au lieu que vous voilĂ munis dâinstruments commodes, qui vous servent Ă vous faire rĂ©ciproquement de larges plaies dâoĂč peut couler votre sang jusquâĂ la derniĂšre goutte, sans que vous puissiez craindre dâen Ă©chapper. Mais comme vous devenez dâannĂ©e Ă autre plus raisonnables, vous avez bien enchĂ©ri sur cette vieille maniĂšre de vous exterminer vous avez de petits globes qui vous tuent tout dâun coup, sâils peuvent seulement vous atteindre Ă la tĂȘte ou Ă la poitrine ; vous en avez dâautres, plus pesants et plus massifs, qui vous coupent en deux parts ou qui vous Ă©ventrent, sans compter ceux qui tombant sur vos toits, enfoncent les planchers, vont du grenier Ă la cave, en enlĂšvent les voĂ»tes, et font sauter en lâair, avec vos maisons, vos femmes qui sont en couche, lâenfant et la nourrice et câest lĂ encore oĂč gĂźt la gloire ; elle aime le remue-mĂ©nage, et elle est personne dâun grand fracas. Vous avez dâailleurs des armes dĂ©fensives, et dans les bonnes rĂšgles vous devez en guerre ĂȘtre habillĂ©s de fer âŠ. Feignez un homme de la taille du mont Athos, pourquoi non ? une Ăąme serait-elle embarrassĂ©e dâanimer un tel corps ? elle en serait plus au large si cet homme avait la vue assez subtile pour vous dĂ©couvrir quelque part sur la terre avec vos armes offensives et dĂ©fensives, que croyez-vous quâil penserait de petits marmousets ainsi Ă©quipĂ©s, et de ce que vous appelez guerre, cavalerie, infanterie, un mĂ©morable siĂšge, une fameuse journĂ©e ? Nâentendrai-je donc plus bourdonner dâautre chose parmi vous ? le monde ne se divise-t-il plus quâen rĂ©giments et en compagnies ? tout est-il devenu bataillon ou escadron ? Il a pris une ville, il en a pris une seconde, puis une troisiĂšme ; il a gagnĂ© une bataille, deux batailles ; il chasse lâennemi, il vainc sur mer, il vainc sur terre est-ce de quelquâun de vous autres, est-ce dâun gĂ©ant, dâun Athos, que vous parlez ? Vous avez surtout un homme pĂąle et livide qui nâa pas sur soi dix onces de chair, et que lâon croirait jeter Ă terre du moindre souffle. Il fait nĂ©anmoins plus de bruit que quatre autres, et met tout en combustion il vient de pĂȘcher en eau troublĂ© une Ăźle tout entiĂšre ; ailleurs Ă la vĂ©ritĂ©, il est battu et poursuivi, mais il se sauve par les marais, et ne veut Ă©couter ni paix ni trĂȘve. Il a montrĂ© de bonne heure ce quâil savait faire il a mordu le sein de sa nourrice ; elle en est morte, la pauvre femme je mâentends, il suffit. En un mot il Ă©tait nĂ© sujet, et il ne lâest plus ; au contraire il est le maĂźtre, et ceux quâil a domptĂ©s et mis sous le joug vont Ă la charrue et labourent de bon courage ils semblent mĂȘme apprĂ©hender, les bonnes gens, de pouvoir se dĂ©lier un jour et de devenir libres, car ils ont Ă©tendu la courroie et allongĂ© le fouet de celui qui les fait marcher ; ils nâoublient rien pour accroĂźtre leur servitude ; ils lui font passer lâeau pour se faire dâautres vassaux et sâacquĂ©rir de nouveaux domaines il sâagit, il est vrai, de prendre son pĂšre et sa mĂšre par les Ă©paules et de les jeter hors de leur maison ; et ils lâaident dans une si honnĂȘte entreprise. Les gens de delĂ lâeau et ceux dâen deçà se cotisent et mettent chacun du leur pour se le rendre Ă eux tous de jour en jour plus redoutable les Pictes et les Saxons imposent silence aux Bataves, et ceux-ci aux Pictes et aux Saxons ; tous se peuvent vanter dâĂȘtre ses humbles esclaves, et autant quâils le souhaitent. Mais quâentends-je de certains personnages qui ont des couronnes, je ne dis des comtes ou des marquis, dont la terre fourmille, mais des princes et des souverains ? ils viennent trouver cet homme dĂšs quâil a sifflĂ©, ils se dĂ©couvrent dĂšs son antichambre, et ils ne parlent que quand on les interroge. Sont-ce lĂ ces mĂȘmes princes si pointilleux, si formalistes sur leurs rangs et sur leurs prĂ©sĂ©ances, et qui consument pour les rĂ©gler les mois entiers dans une diĂšte ? Que fera ce nouvel archonte pour payer une si aveugle soumission, et pour rĂ©pondre Ă une si haute idĂ©e quâon a de lui ? Sâil se livre une bataille, il doit la gagner, et en personne ; si lâennemi fait un siĂšge, il doit le lui faire lever, et avec honte, Ă moins que tout lâocĂ©an ne soit entre lui et lâennemi il ne saurait moins faire en faveur de ses courtisans. CĂ©sar lui-mĂȘme ne doit-il pas venir en grossir le nombre ? il en attend du moins dâimportants services ; car ou lâarchonte Ă©chouera avec ses alliĂ©s, ce qui est plus difficile quâimpossible Ă concevoir, ou sâil rĂ©ussit et que rien ne lui rĂ©siste, le voilĂ tout portĂ©, avec ses alliĂ©s jaloux de la religion et de la puissance de CĂ©sar, pour fondre sur lui, pour lui enlever lâaigle, et le rĂ©duire, lui et son hĂ©ritier, Ă la fasce dâargent et aux pays hĂ©rĂ©ditaires. Enfin câen est fait, ils se sont tous livrĂ©s Ă lui volontairement, Ă celui peut-ĂȘtre de qui ils devaient se dĂ©fier davantage. La BruyĂšre, Les caractĂšres, Des jugements. II Dissertation Votre devoir devra obligatoirement confronter les trois Ćuvres au programme et y renvoyer avec prĂ©cision. Il ne faudra en aucun cas juxtaposer trois monographies, chacune consacrĂ©e Ă un auteur. Votre copie ne pourra pas excĂ©der 1200 mots. Un dĂ©compte exact nâest pas exigĂ©, mais tout abus sera sanctionnĂ©. La guerre remet-elle en cause la dĂ©finition traditionnelle de lâhomme comme animal raisonnable comme le soutient La BruyĂšre ? 2 Analyse du texte et remarques. Le texte commence par une Ă©nonciation qui montre une adresse aux hommes. Il ne fallait pas immĂ©diatement conclure que le sujet de lâĂ©nonciation Ă©tait lâ auteur ». Celui qui sâadresse aux hommes commence par ridiculiser la petitesse des hommes qui les amĂšnent Ă montrer les plus grands dâentre eux alors que les montagnes sont bien plus hautes. Il ajoute que les hommes se louent exagĂ©rĂ©ment et mĂ©prisent les autres espĂšces, y compris les plus grandes, avant dâindiquer quâil est DĂ©mocrite ~460-~370 av. Câest donc un philosophe de lâAntiquitĂ© grecque, un sage qui fustige les ridicules des hommes du haut de sa sagesse. DĂ©mocrite donc expose les façons de parler des hommes qui attribuent diffĂ©rentes qualitĂ©s aux animaux en sâattribuant Ă eux-mĂȘmes la qualitĂ© de raisonnable. Câest la dĂ©finition traditionnelle qui vient dâAristote. Dans La politique I, 2, 1253a, que lâhomme soit un zoon logon ekon Î¶ÎżÎœ Î»ÎłÎżÎœ áŒÏÎżÎœ, un animal ayant la raison ou le discours ou la parole selon la traduction de logos, sert Ă montrer que câest ce qui fait de lâhomme un zoon politikon Î¶ÎżÎœ ÏολÎčÎčÎșΜ, un animal politique ». Animal doit ĂȘtre pris au sens purement biologique des ĂȘtres vivants douĂ©s de sensations et de mouvement diffĂ©rents des plantes. Raisonnable » est alors la diffĂ©rence spĂ©cifique qui fait lâhomme, par diffĂ©rence avec les autres espĂšces animales. Il sâagit bien dâune diffĂ©rence de nature pour Aristote dans la mesure oĂč lâĂąme raisonnable que lâhomme partage avec les Dieux ou Dieu, nâappartient absolument pas aux autres ĂȘtres vivants, aux autres animaux. On peut dire que La BruyĂšre fait critiquer cette dĂ©finition par le sage DĂ©mocrite. Dâabord, les hommes se la sont donnĂ©e puisque la question de lâorigine est purement ironique. Ce quâil critique est que les hommes sont juges et partis. On trouve chez Platon un argument similaire dans Le Politique oĂč le philosophe critique la sĂ©paration entre lâhomme et les animaux effectuĂ©e par lâhomme lui-mĂȘme, tout comme il critique la sĂ©paration des Grecs et des Barbares que font les Grecs en tant que la sĂ©paration serait autre sâil sâagissait dâune autre espĂšce ou dâun autre peuple. Si les animaux se dĂ©finissaient fait dire Ă DĂ©mocrite La BruyĂšre, lâhomme se verrait autrement. Il fait Ă©numĂ©rer au sage tout ce qui est contraire Ă la raison et qui met lâhomme en dessous dâanimaux peu valorisĂ©s comme la taupe et la tortue qui suivent leur instinct, câest-Ă -dire se conforme Ă la nature. Implicitement, lâidĂ©e est que la vertu est de suivre la nature une thĂ©matique plutĂŽt stoĂŻcienne. Il propose lâargument principal. Lorsquâun animal en attaque un dâune autre espĂšce, voire un chasseur qui attrape un animal autre que lâhomme, ils sont louĂ©s. Par contre des animaux de la mĂȘme espĂšce qui sâaffrontent sont critiquĂ©s par les hommes. La BruyĂšre propose alors une sorte dâapologue qui prĂ©sentent dâabord des chats sâaffrontant par milliers et mourant de mĂȘme ainsi que des loups. Il sâagit donc de mettre en scĂšne la guerre et en la faisant faire imaginairement par des animaux, dâen montrer le ridicule achevĂ©. Il apostrophe les hommes pour leur faire dire quâune telle destruction de lâespĂšce les ferait blĂąmer par le rire de tels animaux. Il peut alors montrer que la situation est pire chez lâhomme qui a inventĂ© dâabord des armes par lesquelles il peut facilement tuer son prochain ce qui serait impossible Ă mains nues. Il conclut ironiquement que la progression du caractĂšre raisonnable de lâhomme se montre dans lâinvention des armes Ă feu quâil prĂ©sente avec une sorte dâhumour noir qui montre toutes les horreurs de la guerre. Il propose un second apologue, celui dâun homme qui aurait la taille dâune montagne et qui regarderait les conflits entre les hommes. Il nây verrait que petitesse. Câest Ă la premiĂšre personne que DĂ©mocrite se plaint que tout dans les discours de lâhomme sur lui-mĂȘme se rĂ©duise Ă la guerre. Il dĂ©crit de façon Ă©nigmatique un homme politique dâabord sujet puis chef, parfois vainqueur, parfois vaincu, devenu un maĂźtre qui domine des hommes qui par leur soumission accroissent son pouvoir et commettent des immoralitĂ©s. Il indique lâopposition des anglais pictes et saxons avec les hollandais. Il Ă©nonce la soumission gĂ©nĂ©rale, notamment des princes et autres nobles. DĂ©mocrite parlant, il use dâun terme grec, celui dâarchonte qui dĂ©signait une des plus hautes magistratures dans la citĂ© athĂ©nienne. MĂȘme lâempereur = CĂ©sar lui est soumis. La BruyĂšre conclut Ă une servitude volontaire â ses expressions font penser au cĂ©lĂšbre ouvrage de La BoĂ©tie publiĂ© par son ami Montaigne Discours sur la servitude volontaire. On estime quâil dĂ©crit Guillaume III dâOrange 1650-1702, stathouder des Provinces Unis en 1672 puis roi dâAngleterre en 1689. 3 Proposition de rĂ©sumĂ©. Hommes, nains comparĂ©s aux hauts sommets, que vous vous enorgueillissez ! Ăcoutez DĂ©mocrite. Vous louez certains animaux mais pĂ©rorez vous seuls ĂȘtes raisonnables. Sont-ce les autres animaux qui vous dĂ©finissent ainsi ? Sâils se dĂ©finissaient eux-mĂȘmes, quelle figure serait la vĂŽtre ! Ăcartons vos ridicules qui vous placent sous les [50] plus modestes animaux qui suivent la nature. Vous louez les animaux combattant ceux des autres espĂšces et les chasseurs. Vous blĂąmez les combats des animaux dâune mĂȘme espĂšce. Que diriez-vous de myriades de chats qui sâĂ©gorgeraient ? Ni verriez-vous pas une Ćuvre diabolique. Votre raison inventa des [100] armes pour mieux vous dĂ©chirez. Elle sâaugmenta en fabriquant des boules qui vous dĂ©coupent avec femmes et enfants. Imaginez un gĂ©ant haut comme une montagne qui vous contemplerait. Vos combats seraient des bruits dâinsectes, vos discours sur la guerre propos insignifiants. Et ce petit homme, parti de rien, [150] souverain commandant ceux qui accroissent son pouvoir en lui obĂ©issant, qui fait se dĂ©chirer des peuples, devant qui les rois mĂȘmes sâagenouillent ! Ce magistrat nouveau paye lâobĂ©issance par des victoires. Lâempereur en personne lâhonore. Sâil nâĂ©choue pas, il attaquera sa puissance. Finalement, tous sâ [200] y soumettent volontairement. 203 mots 4 Dissertation. Lorsquâen 1758 dans ses Systema Naturae, LinnĂ© 1707-1778 en vient Ă classer lâhomme dans lâespĂšce homo sapiens », il reprend la vieille idĂ©e traditionnelle qui voit en lâhomme un vivant dont la capacitĂ© Ă penser, voire Ă bien penser, est fondamentale. Et pourtant, dans le mĂȘme temps, les guerres qui ravagent lâEurope et que Voltaire dĂ©crit ironiquement dans son Candide publiĂ© en 1759 donne une tout autre image de lâhomme. On conçoit alors que La BruyĂšre en moraliste remette en cause la dĂ©finition traditionnelle de lâhomme comme animal raisonnable au vu du phĂ©nomĂšne de la guerre. En effet, elle paraĂźt absurde tant du point de vue thĂ©orique que pratique. Pourquoi les hommes sâaffrontent-ils et surtout se font gloire de se massacrer ? Reste que la raison est en lâhomme ce qui lui permet de se reprĂ©senter les choses en vĂ©ritĂ©. Elle peut ĂȘtre soumise aux dĂ©sirs ou aux passions. Mais elle peut aussi errer, se tromper. Les animaux, soumis Ă leur instinct, nâont pas Ă chercher comment agir. De sorte que câest bien plutĂŽt parce quâil est raisonnable que lâhomme semble capable de faire la guerre. DĂšs lors, la guerre nâa-t-elle pas justement pour source ce caractĂšre fondamental de lâhomme dâĂȘtre, en tant quâĂȘtre raisonnable un ĂȘtre capable de dĂ©raisonner ou bien montre-t-elle que la raison est inessentielle en lâhomme ou bien la guerre nâest-elle pas une solution prĂ©conisĂ©e par la raison ? En nous appuyant sur un roman dâHenri Barbusse, Le Feu journal dâune escouade, le De la guerre de Clausewitz, plus prĂ©cisĂ©ment le livre I De la nature de la guerre et une tragĂ©die dâEschyle, Les Perses, nous verrons que la guerre montre que lâhomme ne peut se comprendre seulement comme animal raisonnable et que pourtant lâhomme use bien de sa raison pour faire la guerre mĂȘme si elle est soumise Ă son dĂ©sir, mais que la guerre montre en derniĂšre analyse que lâhomme est bien raisonnable en faisant la guerre en tant quâelle est un rĂšglement politique des conflits. Dire de lâhomme quâil est un animal raisonnable, câest dire quâil est un vivant qui appartient au rĂšgne animal et quâen outre, câest la possession de la raison qui le caractĂ©rise. Or, par raison, on entend la facultĂ© qui permet de connaĂźtre le vrai et surtout de connaĂźtre le bien et de le mettre en Ćuvre. Or, la guerre est toujours un mal â Ă©ventuellement un moindre mal mais un mal quand mĂȘme. Il nâen reste pas moins vrai que les conditions dâexistence des hommes de lâescouade dans la boue des tranchĂ©es, les odeurs dâexcrĂ©ments, lâignorance des mouvements de troupe sont proprement inhumaines. Il en va de mĂȘme dans la retraite des Perses qui se noient lorsque le fleuve gelĂ© se brise comme le rapporte le messager Clausewitz pour sa part note que la guerre exclut toute philanthropie I, 3, Ce qui montre que la guerre rĂ©fute la thĂšse traditionnelle de lâhomme comme animal raisonnable, ce sont ses motifs. Lâombre du roi Darios dĂ©nonce lâhybris des Perses et de son fils 821. Les soldats dans Barbusse dĂ©noncent la folie de la guerre. Le narrateur, avant lâassaut, note Câest en pleine conscience, comme en pleine force et en pleine santĂ©, quâils se massent lĂ , pour se jeter une fois de plus dans cette espĂšce de rĂŽle de fou imposĂ© Ă tout homme par la folie du genre humain. » XX Le feu, Il y a bien une opposition entre ĂȘtre raisonnable et la folie que reprĂ©sente la guerre. Clausewitz, mĂȘme sâil propose une thĂ©orie de la guerre, montre quâelle repose sur lâignorance, le hasard I, 20, les frictions chapitre 7 qui rendent toute prĂ©vision impossible bref, la raison ne peut guĂšre sây dĂ©ployer. De ce point de vue Ă©galement, la guerre paraĂźt tout Ă fait contraire Ă la raison. Cependant, il reste Ă se demander comme cette folie peut frapper de temps en temps lâhomme. Car, ne faut-il pas que quelque chose le meuve qui le conduise Ă braver ce quâon nomme lâinstinct de conservation ? Quâest-ce alors qui domine en lâhomme ? On peut faire lâhypothĂšse que câest le dĂ©sir qui domine en lâhomme sâil est vrai que le dĂ©sir nous conduit au-delĂ du besoin, dans une quĂȘte dont lâobjet reste indĂ©terminĂ©. Et la guerre manifeste justement selon lâinterprĂ©tation que propose de Clausewitz RenĂ© Girard. Ce qui le montre, câest son concept abstrait ou absolu de guerre quâil prĂ©sente au dĂ©but du chapitre I. Elle implique une montĂ©e aux extrĂȘmes qui relĂšgue la raison Ă lâarriĂšre plan. La violence de chacun des adversaires commandĂ©e par celle de lâautre, la volontĂ© de chacun de soumettre la volontĂ© de lâautre, lâaccroissement des moyens mis en Ćuvre en fonction de la mise en Ćuvre des moyens de lâautre, sont les trois interactions qui dominent la raison. On le voit dans la tragĂ©die dâEschyle oĂč la violence dĂ©ployĂ©e par les AthĂ©niens qui tuent les marins survivants perses comme des thons » avec les dĂ©bris des rames est Ă la mesure de la violence des Perses qui sâapprĂȘtaient Ă dĂ©truire AthĂšnes comme ils lâavaient fait de lâantique Milet. De mĂȘme, Blaire, devenu cuisinier, imite Martin CĂ©sar, le cuisinier de NapolĂ©on. Il doit donc trouver des allumettes. Lorsquâavec ses compagnons, Poupardin, PĂ©pin et Volpatte, ils se perdent et trouvent un allemand, ils le tuent en se jetant sur lui comme des fous » sans se concerter XVIII Les allumettes. Dire que lâhomme est un animal raisonnable signifie simplement quâil est capable de calculer comment arriver Ă ses fins. Mais ses fins elles-mĂȘmes ne proviennent pas de la raison. On le voit dans la question des armes. Lors du bombardement, les soldats français vantent leurs canons quâils considĂšrent supĂ©rieurs Ă ceux des allemands, notamment le fameux 75 quâils opposent aux shrapnells de 77 allemands XIX Bombardement, On le voit encore dans la mise au service de la guerre de la raison instrumentale comme la nomme Habermas nĂ© en 1929 dans La technique et la science comme idĂ©ologie » 1968. Câest en effet grĂące Ă une ruse que les Grecs ont gagnĂ© la bataille de Salamine selon le rĂ©cit du messager Ă la Reine. Un Grec et sq. â plutĂŽt un esclave perse de ThĂ©mistocle si on en croit HĂ©rodote ~484-420 av. Histoires VIII, 75, et Plutarque ~45-120, Vie de ThĂ©mistocle 12 â aurait annoncĂ© que la flotte grecque allait fuir. Elle rĂ©ussit ainsi Ă attirer la flotte perse dans un espace oĂč sa supĂ©rioritĂ© numĂ©rique ne sert Ă rien. Lorsquâil Ă©numĂšre les qualitĂ©s du gĂ©nie martial, Clausewitz nâomet pas lâentendement. Car mĂȘme si le gĂ©nĂ©ral ne peut calculer, il lui faut rĂ©flĂ©chir et disposer de ses moyens au mieux en fonction du contexte. Clausewitz note que lâusage de la violence nâexclut en rien lâutilisation de lâintelligence chapitre I, 3, bien au contraire, câest elle qui va permettre dâaccroĂźtre la violence. NĂ©anmoins, non seulement on ne peut rĂ©duire la raison Ă son rĂŽle instrumentale, câest-Ă -dire quâelle a aussi un rĂŽle pratique, câest-Ă -dire dâĂ©valuation des fins, mais en outre on peut penser quâelle joue un rĂŽle dans le dĂ©clenchement de la guerre ou dans sa fin tout au moins provisoire quâon nomme paix. DĂšs lors, nâest-ce pas au contraire parce quâil est un animal raisonnable que lâhomme fait la guerre ? En effet, la raison, lorsquâelle doit Ćuvrer pour le bien public, peut parfois conseiller la guerre. Lorsque les AthĂ©niens sâĂ©lancent contre les Perses Ă Salamine, le messager rapporte le chant qui est le leur Allez, fils des Grecs ! dĂ©livrez / votre patrie, dĂ©livrez vos fils et vos femmes, / les autels des dieux de vos pĂšres, les tombeaux / de vos aĂŻeux ! câest pour eux tous quâil faut se battre ! ». Quel Ă©tait leur choix ? Soit se soumettre aux Perses, soit combattre. Il est clair que la guerre Ă©tait la voix de la raison dans la mesure oĂč elle Ă©tait la solution pour la prĂ©servation de la libertĂ© des citoyens. Quant aux Perses, malgrĂ© la critique quâEschyle fait de XerxĂšs par lâintermĂ©diaire de lâombre de son pĂšre et dĂ©funt roi Darios et sq., il poursuit lâĆuvre de son pĂšre et en combattant en GrĂšce, il empĂȘche les Grecs de venir combattre en Perse â ce que finira par faire Alexandre le Grand. Câest pour cela que Clausewitz a raison, quel que soit le statut quâon accorde Ă lâidĂ©e de guerre absolue qui trouve une certaine rĂ©alitĂ© dans la guerre dâextermination, de considĂ©rer que la guerre a un sens fondamentalement politique cf. chapitre I, 24. Ce qui le montre câest que la fin de la guerre est la paix cf. I, 13, câest-Ă -dire la cessation au moins provisoire des hostilitĂ©s, ce qui prĂ©suppose que la raison des hommes les amĂšne Ă arrĂȘter la guerre lorsquâils estiment que leurs objectifs sont atteints. Il faut alors une Ă©valuation de la raison. De mĂȘme, dans le roman de Barbusse, la rationalitĂ© de la guerre malgrĂ© sa folie, se lit dans lâespoir dâune humanitĂ© enfin rĂ©conciliĂ©e. Câest ce quâun soldat anonyme exprime Si la guerre actuelle a fait avancer le progrĂšs dâun pas, ses malheurs et ses tueries compteront pour peu. » XXIV Lâaube, Câest que la raison ne consiste pas simplement Ă dĂ©finir le bien. Lâopposition du rationnel ou de la raison instrumentale comme calcul des moyens et du raisonnable comme dĂ©termination des fins ne peut mettre de cĂŽtĂ© la question des consĂ©quences de nos actions. Lorsque donc un diffĂ©rend est irrĂ©ductible, la raison, loin dâinterdire la guerre, la prescrit. La citĂ© athĂ©nienne Ă©tant sous le coup dâune menace mortelle, lâempire perse quant Ă lui Ă©tait fondĂ© sur le principe dâune conquĂȘte sans fin. Finalement, câest bien lâanalyse des consĂ©quences et non simplement des fins qui fait que la raison ordonne la guerre. Chacun des Ătats choisit raisonnablement la guerre en visant un accord des fins et des moyens. On peut faire la mĂȘme analyse du point de vue de Barbusse. Dâun cĂŽtĂ©, lâempire allemand, le militarisme de Guillaume, dâun autre la rĂ©sistance française, le souci de la libertĂ©. Lâopposition entre la France et lâAllemagne, du cĂŽtĂ© français, sâest aussi jouĂ© comme une rĂ©pĂ©tition des guerres mĂ©diques comme en tĂ©moigne le succĂšs Ă la fin du XIX° et au dĂ©but du XX° de la tragĂ©die dâEschyle cf. Christophe Corbier La Grande Guerre MĂ©dique essai d'une Ă©tude de rĂ©ception des Perses dâEschyle dans la France de la TroisiĂšme RĂ©publique, Revue de littĂ©rature comparĂ©e, 2004/3, n° 311. Qui dit conflit politique, dit guerre possible, soutient Clausewitz. Sâil faut Ă©carter toute considĂ©ration morale, ce nâest pas pour dĂ©fendre une quelconque apologie de la violence comme le fera Ernst JĂŒnger 1895-1998 dans La guerre comme expĂ©rience intĂ©rieure 1922, câest plutĂŽt pour que le sentimentalisme moral ne se retourne pas comme soi. Comprendre la guerre dans sa nĂ©cessitĂ© rationnelle dans certaines circonstances, câest faire comme le caporal Bertrand dans Le Feu qui justifie son engagement par la nĂ©cessitĂ© de dĂ©fendre la patrie II Dans la terre, Nous nous Ă©tions demandĂ© si la guerre remettait en cause la dĂ©finition traditionnelle de lâhomme comme animal raisonnable. On a vu quâelle comportait un Ă©lĂ©ment dâirrationalitĂ©, voire que la raison paraissait y ĂȘtre soumise aux dĂ©sirs de lâhomme. Il nâen reste pas moins vrai que dans la mise en Ćuvre des moyens et surtout dans sa fin politique, la guerre nâest pas Ă©trangĂšre Ă la raison et ne remet pas en cause la dĂ©finition traditionnelle de lâhomme. 2HDQI.